Baba Salah
 
L'Envoûtement du Talent.

Il est vrai que tous les artistes ne se laissent pas griser par leurs succès. Baba Salah est de ceux- la. Son premier album le pousse aujourd'hui au devant- de la scène musicale ou il est entrain de rafler tout les prix: Meilleure Révélation de l'Année, Meilleur Artiste de la chaîne 2…Peut être disque d'Or, un jour. C'est cet homme au triomphe modeste et plein de sagesse que nous sommes allés rencontrer, chez lui à Faladié.
Dans un cadre sobre mais impressionnant, il a accepté de parler avec nous. On ne peut dire qu'il laisse indifférent.

Fils de Salah Baba et de Nia moye, Baba Salah est né le 23 mars 1974 à Gao (Nord Mali). Marié depuis décembre dernier avec Alimatou cissé, secrétaire dans un service de la place l'enfant qui fait aujourd'hui la fierté de tout le Mali, mène paisiblement sa vie à faladiè, un quartier de Bamako.Très tôt, Baba Salah a du pénétrer dans le monde de "l'aventure ambiguë", avec sa longue ardoise mais sans sébile, à la différence des autres, tout simplement parce que sa propre famille regorgeait de grands maîtres coranique. C'est grâce à cette famille qui l'a forgé qu'aujourd'hui, il matrice l'Islam dans sa diversité et le coran dans sa complexité: "J'ai toujours mon ardoise de l'école coranique sur laquelle j'écris généralement afin de ne pas perdre de vue l'islam".
De l'école coranique Baba Salah rejoint l'école des Blancs à Gao, sa ville natale. Il termine avec succès l'école primaire et se rend respectivement à Mopti et à Nioro du Sahel ou il sort la tête haute avec le diplôme d'Etude fondamental. Il poursuit son petit bon homme de chemin en se rendant à Bamako, la capitale, dans un lycée technique et ensuite au Lycée Yana Maiga dans son Gao chéri. A cette époque il rêvait d'être économiste mais, au fil du temps, la passion pour la musique qu'il nourrissait depuis l'age de 9 ans prendra le dessus sur son rêve. En effet, à 9 ans déjà, Baba pratiquait la musique avec un petit groupe d'amis à l'aide de sa guitare traditionnelle qu'il avait lui-même fabriqué (made in Gao).
Comme appelée par son destin, l'institut National des Arts lui ouvre ses porte en 1994. Il en sortira en 1998, avec un diplôme de fin de cycle. Mais avant cela, son sérieux, son courage, son talent, sa volonté de persévérer dans la musique, l'avaient fait rejoindre en 1995 une étoile qui défrayaient la chronique à l'époque. Aujourd'hui, cette étoile, Oumou Sangaré, est devenue la Diva du Wassoulou. Et depuis 1995 l'enfant de Gao est l'incontournable guitariste à qui, la propriétaire de l'hôtel Wassoulou doit en grande partie sa célébrité.
Menant une vie unitive, mais loin de toute forme d'extremis ou de fanatisme, Baba a sa propre philosophie en faveur de la préservation de l'humanité déchirée par le terrorisme et des guerres sauvage: "Je pense que si les hommes parvenaient a créer un monde ou tous s'entendraient autour d'une seule et même religion, on finirais ainsi par mettre fin aux sempiternelles guerres à travers lesquelles nous nions notre humanité".

Le premier opus que Baba Salah a mis sur le marché est un véritable chef-d'œuvre qui est en train de rafler sur son passage tous les prix de la musique Malienne: Meilleure révélation de l'année, Meilleur Artiste du Festival du désert, Meilleur Artiste de la chaîne 2. Trois trophées réconfortant: "Ca donne envie de continuer le métier", laisse-t-il entendre. Paix, amour, travail tels sont les thèmes généralement abordés dans ses chansons.
Rappelons que l'album aujourd'hui écouté dans les plus grandes discothèques d'Europe et sur les Ondes de RFI grâce à notre confrère panafricaniste, chef de file de la génération consciente, Claudy Syar. Par sa modestie, son humilité, Baba Salah est un homme formidable qui au premier contact vous donne la dimension de l'éducation qu'il a reçue. A voir ce sourire pénétrant qu'il affiche toujours sur les lèvres, on comprend que l'homme, impensé d'une sagesse profonde, prend la vie du bon coté et nous invite à faire autant.
Si vous détestez Salah il vaut mieux éviter de le rencontrer sinon vous tomberez d'admiration et vous finirez par vous prosterner devant lui, tant il regorge de ces qualités qui font de lui un homme de charisme, bien éduqué et très cultivé dont la seule présence vous fascine, vous envoûte et vous invite à vous remettre en question. Une architecture morale très rare parmi sa génération en ce XXIeme siècle!
A la question de savoir quel était son moyen de déplacement, il nous a répondu ceci "vous savez, c'est pas une priorité pour moi, j'avais une moto (rires)" et il observe un silence de sage. Et cette voiture? Je l'ai eu ça avec le temps, mais pour moi ce n'est pas une nécessité et je n'aime pas être chaque fois en voiture, même s'il m'arrivait de posséder un âne, je l'utiliserais.
Avec passion, il nous a fait part de son ambition de conquérir le marché planétaire dans ce contexte de mondialisation. Il a aussi évoqué les difficultés auxquelles se trouve confrontée la nouvelle génération, pleine de talents et de volonté mais a laquelle les moyens financiers et l'encadrement technique font défaut.
Baba Salah a également profité de notre entretien pour lancer un appel pathétique aux autorités afin qu'elles donnent un coup de pouce à cette génération qui en a tant besoin:"Donnez-moi un appui, je soulèverai le monde". Une phrase qu'il avait déjà prononcée lors de sa soutenance a l'INA.
Si les fruits tiennent les promesses des fleurs, l'espoir du Disque d'Or est permis. En attendant, dans son "ghetto" de Faladiè, peut être l'artiste est –il en train de prépare une autre "bombe musicale" pour le plaisir de ses fans qui ne se comptent plus.

Abdoulaye Barry

15/06/2006