30/04/2007 - VIEUX FARKA TOURE - Sur les traces de son père

Le seul garçon du défunt Ali Farka Touré à s’être lancé dans la musique, Vieux Farka vient d’entrer dans le showbiz avec un album qui fait déjà beaucoup parler de lui dans le monde.

Entre le rythme paisible de la vie à Niafunké (200 Km au Sud de Tombouctou) et l’agitation de Bamako, la bouillonnante capitale malienne, Bouréima Farka Touré dit Vieux a trouvé ses marques et son inspiration. Jeune homme, il a bravé l’autorité paternelle pour jouer de la guitare. En effet, pour le patriarche des Touré, il était inadmissible qu’un de ses enfants se frotte à la musique. Un milieu trop vicié à son goût. Et pourtant, Vieux Farka, au tempérament impétueux et aussi têtu que son Farka (âne) de père, maîtrise la guitare avec aisance, compose et chante surtout.
Pour raffermir son talent, le jeune héritier a transité par l’Institut National des Arts (INA). Cela lui a permis de consolider un feeling naturel avec les rythmes traditionnels et son instrument de prédilection, la guitare. Il hérite d’une culture musicale colossale, celle de son père, Ali Farka, le guitar hero malien. Celui-là même qui a ramené le blues à ses racines en le reconnectant aux rythmes tamasheq, bambaras, peuls, songhaï…
Contrairement à son père, Vieux baigne comme beaucoup de jeunes Maliens dans une culture musicale internationale. N’empêche, il s’inspire également des vieilles cassettes de son père, notamment celles des années 1970, pour composer. «Serait-ce de ces anciens enregistrements que Vieux tire ce jeu de guitare si spécifique ?», s’interrogeait récemment un critique.
Toujours est-il que son premier album éponyme est le reflet de ces diverses influences. Et pour trouver un style qui lui est propre, il n’a pas hésité à ajouter une section de cuivres, une ligne de basse reggae et une flûte peule, aux rythmes songhaï de la région de Tombouctou. «Je me considère comme un musicien traditionnel. Mais, étant de la jeune génération, je peux me permettre certaines innovations», nous explique-t-il.
Sur Tabara et Diallo, Vieux joue en duo avec son père. Il avoue que lors de l’enregistrement, son père était très malade et qu’il aurait souhaité aller plus loin dans cette collaboration… «Si ce n’était pas la première fois qu’on jouait ensemble, cela a été la dernière. J’aurais aimé faire les premières parties d’Ali, jouer davantage avec lui, approfondir…Je ne ferai jamais comme lui, je cherche à continuer ce qu’il a commencé», assure le jeune talent.
Sur ce premier album, d’autres musiciens de prestige assurent le lien entre l’ancienne et la nouvelle génération. Toumani Diabaté, le griot à la kora voyageuse, vainqueur d’un Grammy Awards pour son album de duo avec Ali Farka sur In the Heart of the Moon, joue Touré de Niafunké.
Une chanson en hommage à la grande famille des Touré, traditionnellement tous originaires de Niafunké. «Ce morceau est un hommage aux Touré, qu’on a joué avec Toumani Diabaté pour Ali, mon père. C’était un lion». Bassékou Kouyaté, griot lui aussi, véritable virtuose du ngoni, accompagne le fils après le père. Loin d’être un passage définitif de témoin, l’album de Vieux marque symboliquement la jonction artistique entre deux générations.
Produit aux Etats-Unis par Eric Herman et Dave Ahl. Herman, enregistré au studio Bogolan de Bamako par Yves Wernert et distribué au Mali par Mali K7, l’album reflète aussi les filiations niafunkoises, bamakoises et américaines de la nouvelle révélation de la musique malienne.
Contrairement à son père, qui était maire de Niafunké à son décès le 7 mars 2007, Vieux repousse d’un revers de la main toute prétention politique. «La seule chose qui compte pour moi, c’est la musique, la scène. La politique ne m’intéresse pas du tout. Mais la musique, c’est ma vie». De toutes les manières, l’essentiel de l’héritage est préservé : la musique !
Moussa Bolly