Le
seul garçon du défunt Ali Farka Touré à s’être
lancé dans la musique, Vieux Farka vient d’entrer dans le
showbiz avec un album qui fait déjà beaucoup parler de lui
dans le monde.
Entre le rythme paisible de la vie à Niafunké (200 Km au
Sud de Tombouctou) et l’agitation de Bamako, la bouillonnante capitale
malienne, Bouréima Farka Touré dit Vieux a trouvé
ses marques et son inspiration. Jeune homme, il a bravé l’autorité
paternelle pour jouer de la guitare. En effet, pour le patriarche des
Touré, il était inadmissible qu’un de ses enfants
se frotte à la musique. Un milieu trop vicié à son
goût. Et pourtant, Vieux Farka, au tempérament impétueux
et aussi têtu que son Farka (âne) de père, maîtrise
la guitare avec aisance, compose et chante surtout.
Pour raffermir son talent, le jeune héritier a transité
par l’Institut National des Arts (INA). Cela lui a permis de consolider
un feeling naturel avec les rythmes traditionnels et son instrument de
prédilection, la guitare. Il hérite d’une culture
musicale colossale, celle de son père, Ali Farka, le guitar hero
malien. Celui-là même qui a ramené le blues à
ses racines en le reconnectant aux rythmes tamasheq, bambaras, peuls,
songhaï…
Contrairement à son père, Vieux baigne comme beaucoup de
jeunes Maliens dans une culture musicale internationale. N’empêche,
il s’inspire également des vieilles cassettes de son père,
notamment celles des années 1970, pour composer. «Serait-ce
de ces anciens enregistrements que Vieux tire ce jeu de guitare si spécifique
?», s’interrogeait récemment un critique.
Toujours est-il que son premier album éponyme est le reflet de
ces diverses influences. Et pour trouver un style qui lui est propre,
il n’a pas hésité à ajouter une section de
cuivres, une ligne de basse reggae et une flûte peule, aux rythmes
songhaï de la région de Tombouctou. «Je me considère
comme un musicien traditionnel. Mais, étant de la jeune génération,
je peux me permettre certaines innovations», nous explique-t-il.
Sur Tabara et Diallo, Vieux joue en duo avec son père. Il avoue
que lors de l’enregistrement, son père était très
malade et qu’il aurait souhaité aller plus loin dans cette
collaboration… «Si ce n’était pas la première
fois qu’on jouait ensemble, cela a été la dernière.
J’aurais aimé faire les premières parties d’Ali,
jouer davantage avec lui, approfondir…Je ne ferai jamais comme lui,
je cherche à continuer ce qu’il a commencé»,
assure le jeune talent.
Sur ce premier album, d’autres musiciens de prestige assurent le
lien entre l’ancienne et la nouvelle génération. Toumani
Diabaté, le griot à la kora voyageuse, vainqueur d’un
Grammy Awards pour son album de duo avec Ali Farka sur In the Heart of
the Moon, joue Touré de Niafunké.
Une chanson en hommage à la grande famille des Touré, traditionnellement
tous originaires de Niafunké. «Ce morceau est un hommage
aux Touré, qu’on a joué avec Toumani Diabaté
pour Ali, mon père. C’était un lion». Bassékou
Kouyaté, griot lui aussi, véritable virtuose du ngoni, accompagne
le fils après le père. Loin d’être un passage
définitif de témoin, l’album de Vieux marque symboliquement
la jonction artistique entre deux générations.
Produit aux Etats-Unis par Eric Herman et Dave Ahl. Herman, enregistré
au studio Bogolan de Bamako par Yves Wernert et distribué au Mali
par Mali K7, l’album reflète aussi les filiations niafunkoises,
bamakoises et américaines de la nouvelle révélation
de la musique malienne.
Contrairement à son père, qui était maire de Niafunké
à son décès le 7 mars 2007, Vieux repousse d’un
revers de la main toute prétention politique. «La seule chose
qui compte pour moi, c’est la musique, la scène. La politique
ne m’intéresse pas du tout. Mais la musique, c’est
ma vie». De toutes les manières, l’essentiel de l’héritage
est préservé : la musique !
Moussa Bolly |