« MUSIQUE DU MONDE »
L’étiquette discriminatoire


L’expression « musiques du monde » est évidemment une traduction de l’anglais World Music. Elle désigne de manière relativement vague toutes les musiques qui n’appartiennent pas au monde anglo-saxon, précisément à la musique d’essence occidentale. Le concept est en fait un genre hybride. En effet, par définition, les musiques du monde ne sont ni du rock, ni de la pop, ni du jazz, ni de la musique classique. Elles existent en fait depuis toujours, qu’on les appelle « musiques traditionnelles », « musiques folkloriques » ou « musiques populaires ». Apparue à la fin des années 1980, l’appellation world music est finalement plus une étiquette commerciale qu’un genre musical en soi.
On classe les musiques du monde en fonction du pays, de la région ou du continent dont elles sont originaires : l’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Inde, les pays arabes, mais également des régions d’Europe. Toutefois, ce critère géographique est insuffisant, puisque certaines musiques appartiennent à plusieurs cultures. Par exemple, la samba brésilienne doit beaucoup aux esclaves venus d’Afrique, et le raï est né du métissage de la musique populaire algérienne et du rock occidental (c’est donc une musique du monde à la fois orientale et occidentale).
Plus qu’une définition musicologique rigoureuse, l’expression « musiques du monde » nous renseigne plutôt sur un certain intérêt de l’Occident pour les traditions musicales étrangères. Cette curiosité commerciale existe depuis toujours. Mais, le métissage culturel et musical s’est accéléré au début du 20e siècle avec le développement de grandes villes de plus en plus cosmopolites et celui des technologies d’enregistrement et de diffusion.
Aujourd’hui, il est heureux que certaines stars comme Ali Farka Touré (Paix à son âme), Cheick Tidiane Seck, Salif Kéita, Youssou Ndour… aient réussi à se défaire de cette étiquette discriminatoire.
Avec d’ailleurs la multiplication des échanges, ce concept est devenu une coquille vide. En effet, désormais, les traditions musicales du monde entier deviennent des sources d’inspiration et des modèles pour les musiciens occidentaux (américains et européens). De nos jours, presque toutes les musiques, y compris les musiques électroniques comme la techno, font appel à des sonorités étrangères et à des rythmes folkloriques, le plus souvent d’Afrique.
Moussa Bolly