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31 Mars 2003
Nouvelle série

DECES DE MAMADOU COULIBALY
Le pionnier a tiré sa révérence

La grande famille de la Culture est encore en deuil. En effet, elle vient de perdre celui qui était considéré, à juste titre, comme le pionnier de la protection et de la promotion des droits d'auteur au Mali : Mamadou Coulibaly. Le grand défenseur des artistes a tiré sa révérence jeudi dernier à l'hôpital Gabriel Touré. Le mal qui le rongeait depuis longtemps a finalement eu raison de lui. Ses obsèques se sont déroulées dans la matinée du vendredi dans son village natal, Mana (cercle de Bougouni).
Cadre compétent de la direction de l'Action culturelle, Mamadou Coulibaly a été le second directeur du Bureau malien des droits d'auteur (BUMDA). Il a dirigé cette boîte pendant au moins une décennie. C'est lui qui a donné au BUMDA une réelle envergure. Ayant hérité d'un bureau qui n'existait presque que virtuellement, il a su l'organiser à la hauteur de la protection et de la promotion des droits des créateurs nationaux et étrangers. Il est donc le précurseur de la lutte contre la piraterie. C'est à Mamadou Coulibaly qu'on doit les premières saisies des œuvres piratées. Contre les fossoyeurs de la musique voire de l'art malien, son combat a été inlassable. Mais après la révolution de Mars 1991, il fut l'une des victimes de la chasse aux sorcières de certains cadres véreux. Il fut donc remplacé au BUMDA. Mais en dehors du BUMDA, il a toujours contribué à servir la culture malienne, surtout les artistes dont il était l'ami, le frère et le conseiller. Et depuis un certain temps, on parlait de plus en plus de son probable retour au BUMDA. Et beaucoup s'en félicitaient déjà parce que ce retour devait éclaircir l'horizon musical assombri par la piraterie. Malheureusement, le Tout Puissant et l'Omnipotent, en a décidé autrement. Il l'a arraché à l'affection de tous ce jeudi matin.

Cadre compétent car maîtrisant à merveille les questions de droits et du marketing culturel, Mamadou Coulibaly s'est illustré par son dévouement, son efficacité, sa rigueur intellectuelle, sa probité morale et surtout par sa modestie et son humilité. Travailleur infatigable, ce n'est que récemment que le mal qui le rongeait a pu le clouer au lit.
Son décès est une immense perte pour le département de la Culture et surtout pour toute la grande famille de l'art malien. Repose donc en paix courageux pionnier. Mali K7 et tous les artistes s'associent à la douleur de la famille éplorée. Ce deuil est avant tout le nôtre parce que nous venons de perdre un frère, un ami, un conseiller…un avocat de la cause des créateurs, des producteurs, etc. Repose dans l'infinie grâce d'Allah avec l'assurance que le flambeau que tu nous transmis ne va jamais… s'éteindre.
King Mosseto

MAMOU SIDIBE
Issue d'une famille paysanne, Mamou n'est pas venue dans la musique au hasard. En effet, son père est un balafoniste confirmé et sa mère une célèbre chanteuse. Elle s'est forgée un talent à leurs côtés. Elle se distinguait surtout par la beauté et la pureté de sa corde vocale. Plus tard, elle se fait remarquer pendant les fêtes du village au clair de lune. Adolescente, elle chante pour encourager les paysans dans les champs. Bien décidée à faire carrière, Mamou quitte son village pour s'installer à Bamako. Et, c'est au tournant des années 80 qu'elle intègre le groupe d'Oumou Sangaré. Choriste, elle participe à la réalisation de son premier album qui a fait un véritable tabac : "Avec Oumou Sangaré, j'ai beaucoup appris, elle a renforcé ma passion pour la musique", précise t-elle. A travers les "Sumu", les cérémonies de baptême et de mariage, Mamou consolide ses acquis et quitte le groupe d'Oumou Sangaré, Caprice ? Plutôt désir d'entreprendre une carrière solo. Mais il faudra attendre pratiquement dix ans avant qu'elle puisse prouver son talent… Finalement, c'est Mali K7 qui lui propose un contrat. Elle débute les répétitions avec Moussa Koné : "Quand Mamou venait ici, début 1998, malgré sa belle voix, il a fallu qu'elle travaille beaucoup. J'ai même pensé qu'elle allait lâcher prise. Mais elle est restée courtoise et ne s'est jamais énervée", explique Yves Wernert. Dotée d'une formidable capacité de travail et d'une volonté farouche, Mamou Sidibé parvient à atteindre son objectif dès son premier enregistrement. Le succès est au bout de l'effort. "Nakan" (Le destin), son premier album, réalisé par Yves Wernert et arrangé par Moussa Koné, lance Mamou dans la cour des divas de la chanson malienne. Le Score est éloquent : vingt mille cassettes vendues dans le courant du premier mois de vente. Ce succès éclatant dépasse les frontières maliennes et propulse la Dame du Ganadougou sur les scènes européennes. Elle effectue sa première sortie internationale en décembre 2000 au célèbre Festival "Africolor" de Saint-Denis (France). Ce coup d'essai fut également un grand succès. La jeune star de la Techno devient une coqueluche convoitée par les promoteurs de spectacles. Elle aligne alors une série de sept concerts en France, Allemagne et Pays-Bas et une participation, très remarquée, au Festival "Voix des femmes" à Bruxelles et à Anvers au mois de mars dernier. La première expérience ayant dépassé ses attentes. Notre Mamou renouvelle le deal avec Mali k7 pour un second album. Cet opus, "Musoya", est un véritable chef d'œuvre musical. Elle a réussit son pari : faire mieux que le précédent album. Tout en poursuivant l'expérience de la première œuvre, "Musoya" est un album original et innovateur, un album moderne qui a su préserver son âme, et son inspiration traditionnelle. Vous ne résisterez pas à la vibration de "Musoya" qui sortira le jeudi 3 avril 2003 en cassette et en CD.
Black Jack

VIGILANCE Prévu pour le lundi dernier, le procès en appel de Mali K7 et des artistes contres le distributeur pirate a finalement été renvoyé au 5 Mai 2003. C'est le second report de ce procès tant attendu dans le milieu artistique tant il est symbolique. Mais la cour veut faire citer la douane pour complément d'informations.
Et curieusement, le procès verbal de saisie des cassettes frauduleusement fabriquées et introduites au Mali figure au dossier. De toutes les manières, ce n'est que partie remise. Parce le ou les criminels vont un jour répondre de leur acte. Le temps de l'impunité est révolue car même le département de la Culture a compris aujourd'hui la noblesse et l'utilité économique et sociale de ce procès. Et comme le disent les bambaras, " Don ka jan, a sébalitè". Ce qui signifie qu'il y a une échéance à tout. Et lorsqu'une échéance arrive, on solde les comptes et chacun répond de ses dettes envers sa société et envers les autres. Cette attente nous paraît longue. Mais, elle n'ébranle pas notre conviction de mener un combat noble contre ces "voleurs de moissons ".
Elle n'ébranle pas non plus notre confiance à la justice parce que nous demeurons convaincus que, tôt ou tard, la loi sera dite. Et nous restons sur nos gardes afin qu'on ne puisse jamais endormir notre méfiance.

Restons vigilants derrière Mali K7, Ali Farka Touré, Rokia Traoré, Habib Koïté, Mamou Sidibé, Issa Bagayogo… Ce procès est le vôtre parce que la lutte contre la piraterie est l'affaire de tous, de tous les vrais mélomanes, de tous les bons citoyens… de tous les Maliens ! L'enjeu va au-delà des intérêts des seuls playants. Parce que, c'est le rayonnement artistique du pays qui est en jeu. La piraterie est une sérieuse menace à cette grande notoriété et cette bonne réputation culturelles que nos artistes ont donné à ce pays au prix d'efforts, le plus souvent dans la douleur. Cet acquis est donc aujourd'hui menacé par ces individus mafieux qui n'aspirent qu'à bâtir des îlots de prospérité en privant la majorité misérable des fruits de sa sueur. Le combat est exaltant car la mission est aujourd'hui un sacerdoce. Acculés, les pirates sont maintenant aux abois. Restons donc vigilants.
King Mosseto