20 Septembre 2004

«TIGNE» DE DJENEBA SECK
Le retour de la diva «prêcheuse»

Avec 30 000 exemplaires vendus en un clin d’œil le matin de sa sortie (jeudi 9 septembre), «Tignè» de Djénéba Seck est bien parti pour égaler voire battre tous les records de vente (musique) au Mali. Ce 4è album (sans compter les singles des Can «Tunis 1994» et «Mali 2002») marque le grand retour de la prêcheuse de la musique malienne.

«La foi est incontournable dans une vie et une œuvre humaines. Je suis née dans une famille musulmane. La foi a bercé mon enfance, ma jeunesse et elle m’a permis de surmonter beaucoup d’épreuves dans ma carrière», répond l’artiste. Elle réagit ainsi à l’admiration que le grand prêcheur Shérif Ousmane Madani Haïdara a pour elle. Pour ce dernier, les chansons de Djénéba Seck sont un condensé de ses prêches, de la sagesse religieuse.
Et Tignè ne déroge pas à cette tradition de prêche dans l’œuvre musicale de Djénéba Seck. Cet album de douze titres, produit par Syllart Production et distribué par Mali K7, véhicule trois messages clef : la religion, la patrie et le mariage. Dans «Nitèkè nela», la native de Bamako appelle les femmes à se ressaisir, à ne pas se laisser distraire par des messages féministes qui n’ont rien à avoir avec nos réalités socioculturelles. «Les femmes doivent vivre d’une autre manière l’émancipation en se disant que la femme ne pourra jamais être l’égal de l’homme. Je suis pour la suppression des discriminations socioprofessionnelles, mais cela ne doit pas signifier que nos sœurs en imposent à leurs conjoints», défend-t-elle.
Très conservatrice, elle ajoute, «se croyant réellement émancipées, les femmes ont transformé le mariage à un boubou : ample et agréable à porter lorsqu’elles le désirent, il devient une camisole de force lorsqu’elles veulent s’en défaire. Le mariage est très important dans une société, dans une communauté. Personne ne peut humilier une femme qui se plie aux contraintes conjugales, respecte son mari et défend l’honneur et la dignité de sa famille. La soumission et l’obéissance ne sont ni péjoratives ni dégradantes dans notre société. Elles font la baraka des grandes dames et des grands hommes comme Soundiata Kéita, etc. ».
La piété de Djènè n’a d’égal que son patriotisme. «J’aime mon pays et je ne ménagerais aucun sacrifice pour véhiculer sa bonne image», dit l’auteur-interprète de «Anka Maliba». Tout comme de «Kankelentigiya», devenue l’hymne de la démocratie malienne à ses débuts. «La démocratie a changé beaucoup de chose au Mali. Bamako, par exemple, a littéralement et agréablement changé de visage. Le pays est devenu un immense chantier de développement socio-économique. L’autre avantage de la démocratie, c’est que personne ne nous impose nos dirigeants. C’est pourquoi je dis aux citoyens, dans Anka Maliba (notre patrie), de profiter des élections pour élire des gens honnêtes et responsables. Parce que nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous même si élisons des gens qui se préoccuper de leurs poches au lieu de gérer nos vrais problèmes», affirme l’artiste.
Comme on le voit, Tignè, «le triomphe de la vérité est un étalon plus rapide que le mensonge», marque le grand retour de la courageuse prêcheuse. Un somptueux come-back cinq ans après la sortie de Djourou, le premier chef d’œuvre de l’épouse de Sékou Kouyaté. «Il est vrai que j’ai mis du temps entre les deux albums. Mais, mes fans n’ont pas été sevrés. Djourou a eu un grand et long succès. Et sa côte est toujours appréciable dans les bacs. Je n’avais donc aucune raison de me précipiter pour sortir un album alors celui qui est sur le marché se vendait très bien», explique Djènè. Elle reconnaît volontiers que «Djourou m’a permis de consolider ma place au-devant de la scène musicale malienne. Il a agrandi le cercle de mes fans et m’a permis de nouvelles relations».
Malheureusement, ce bonheur n’a pas eu une répercussion financière. «Un mois après sa sortie, Mali K7 chargée de sa distribution a été fermée, victime des pirates. Ce qui fait qu’il y a eu une interruption dans l’approvisionnement du marché. Les pirates en ont profité pour inonder le marché de produits contrefaits. La perte a été colossale. Heureusement que le succès de l’album m’a permis de faire de beaucoup de tournées au Mali et à l’extérieur», se rappelle-t-elle.
La piraterie ! Voilà un fléau dont l’évocation donne des frissons à Djénéba Seck. «Je crains que Tignè ne soit victime de son succès.», s’inquiète-t-elle. Face à la menace, elle ne cache pas son impuissance. Elle implore même les pirates. «De grâce, ne piratez pas cette cassette. C’est une prière, à cause de Dieu ! Donnez-moi la chance de bâtir enfin quelque chose aux fruits de mon talent et de mes efforts. Dans un autre pays, je serai aujourd’hui à la tête d’une véritable fortune grâce au succès de mes albums. Mais, je suis condamnée à la survie, malgré cette réalité, à cause des pirates», s’offusque-t-elle.
Dans toutes ses œuvres, Djénéba a justifié pleinement sa position au sommet du hit-parade national parce ce que puisant son inspiration dans le vécu quotidien de ses concitoyens. Avec Tignè, elle n’a qu’un seul rêve : s’ouvrir largement les portes du show biz international. «Il est vrai que j’ai animé des concerts en Europe. Mais, je n’ai pas encore eu la chance d’avoir des tournées mondiales comme Oumou Sangaré, Rokia Traoré, Habib Koité… J’espère que ce nouvel album me permettra de réaliser ce rêve en m’imposant dans le show biz international», souligne-t-elle.
Et cela commence bien puisque Djènè sera en concert le 18 septembre à Paris. Et elle est invitée par les jeunes Maliens de la Côte d’Ivoire animer la célébration du 44è anniversaire de l’indépendance du Mali, le 22 septembre. Avec sa sage philosophie de la vie, sa voix somptueuse et la parfaire maîtrise de son art, l’aspiration de Djénéba Seck à une place de choix dans le show biz international est plus que légitime. En tout cas "Tignè" promet et déjà une tournée nationale et sous régionale est entrain de se mettre en place et qui permettra à notre artiste de faire partager ses espérances avec tous ceux qui ont le même idéal d'une société plus juste qu'elle. Bon vent Djéné.

EN STUDIO
Djélimady Tounkara, le leader charismatique du Rail Band, le guitariste hors pair vient de boucler l'enregistrement de son prochain album au studio Bogolan. Un album de 12 titres qui sortira courant fin 2004 sous les Griffes de Marabi. Marabi est un label français que le Directeur Artistique du festival métisse d'Angoulême, Christian Musset, vient de lancer. Il est à noter que le dernier album du Bembeya Jazz de Guinée a été aussi produit par son label.
Outre Djélimady Tounkara, Boubacar Traoré "Kar Kar" est aussi en studio pour la production de son prochain jet, toujours sous la férule de Marabi. Une production inédite qui associe plusieurs talents de la musique malienne et française dont Yoro Diallo et Vincent Boucher. Cet opus sortira courant février 2005.

EN TOURNEE
Lobi Traoré, le bluesman bamanan comme on le surnomme outre atlantique est en pleine répétition en vue de sa tournée européenne et américaine prévue en automne prochain. Lobi qui sera accompagné de son groupe entend mettre tous les atouts de son côté pour la promotion de son album compilation déjà en vente.
La Dame du Bélédougou et son groupe débuteront une tournée européenne. C'est en prélude à cette tournée que ses musiciens partiront de Bamako en fin de semaine pour quelques séances de répétition avant d'entamer la tournée.

En Concert
Sous l'égide du Ministère de la culture, les groupe Nèba Solo et Babani sont partis pour la Corée. Les deux formations représenteront le Mali au festival international que la Corée organise. Signalons en fin que la délégation malienne est conduite par Ministre de la culture Cheick Oumar Sissoko.

En Deuil
Nous avons appris avec une profonde affliction le décès du père de Lassy King Massassy. Au nom de la Rédaction du Mag, de tout le personnel de Malik7 et de l'ensemble des opérateurs culturels, nous présentons nos sincères condoléances à King Babayo ainsi qu'à toute sa famille. Que son âme repose en paix.