04
Octobre 2004
Christian
Mousset, Producteur
«La musique malienne est unique au monde»
Directeur artistique du festival de musiques métisses d’Angoulême
(France) et Directeur du label de production Marabi, M Christian Mousset
vient de séjourner au Mali. Dans l’entretien qu’il
nous a accordé, ce passionné de la musique malienne et
africaine nous a situé l’objet de son séjour et
a fait un tour d’horizon du festival musique métisse et
son impact sur les artistes maliens, etc.
Interview.
Le
Mag : Quel est le motif de votre séjour à Bamako ?
Christian Mousset :
En plus de ma casquette de directeur artistique du festival de musiques
métisses d’Angoulême, je suis aussi responsable d’une
maison de production, Marabi. Je suis dans la production depuis plus
d’une vingtaine d’années. Ainsi, en 1980, j’ai
produit un disque du Diata Band. J’ai ensuite mis mon expérience
au service de Label Bleu où j’ai eu la chance de produire
le Super Rail Band,
Rokia Traoré,
Boubacar Traoré
«Kar Kar», Balaké
Sissoko, etc. Après onze ans au Label Bleu, j’ai
décidé de créer ma propre maison de production
baptisée Marabi. J’ai gardé le contact avec les
artistes maliens. Et je suis venu pour produire des albums de Djely
Mady Tounkara et de Kar-Kar.
-Qu’est-ce
qui a motivé ce choix ?
C.M : J’ai découvert la musique malienne à
travers le Rail Band. J’ai toujours admiré le style de
Djelimady Tounkara à la guitare, surtout au moment où
il accompagnait Salif
Kéita, Mory Kanté… Après avoir
produit deux albums du Rail Band, dont Mansa, j’avais une grande
envie de tenter une expérience avec Djelimady (en solo) que je
considère, avec Sékou Diabaté «Sékou
Bembeya», comme les meilleurs guitaristes de l’Afrique de
l’Ouest. Djélimady est parvenu à se créer
un style. On a eu une première expérience appelée
Sigui. Mais, cet opus n’était pas à la hauteur de
mes attentes parce que nous n’avions pas eu les musiciens qu’il
nous fallait. Cette fois-ci, nous avons eu à travailler sur un
vrai projet musical. Et, pour la circonstance, il s’est entouré
de jeunes musiciens et chanteurs qui ont étalé un énorme
potentiel.
En ce qui concerne Kar Kar, c’est une autre histoire. J’ai
produit Sagolo et Maciré chez Label Bleu. J’ai aussi participé
au film qui lui a été consacré, «Je chanterai
pour toi», et j’ai produit la musique de ce film en Europe
pour mon Label. Cette fois-ci, je suis parvenu à le convaincre
de composer de nouvelles chansons. Je suis sûr que cet album va
beaucoup surprendre. Il y a surtout trois titres qu’il fait avec
Yoro Diallo, «Tiécorobani», au Kamalen ngoni. Sur
cet album, on retrouvera aussi Kèlètigui Diabaté
(Balafon), Balaké Sissoko (Kora) et Vincent Bucher (Harmonica)
qui a déjà joué avec Loby Traoré. L’album
de Djelimady va sortir d’ici la fin de l’année et
celui de Kar Kar probablement en février 2005. Et je compte les
inviter à la prochaine édition du festival d’Angoulême.
Tout comme Adama
Yalomba et Yoro Diallo.
-Envisagez-vous de produire d’autres artistes maliens
en dehors de Kar Kar et de Djelimady ?
C.M : Je m’intéresse surtout à la qualité
et à l’originalité musicales. Ce qui fait que mon
choix est très limité par rapport aux producteurs nationaux
dont le public cible n’est pas confronté aux mêmes
barrières linguistiques qu’un public Français voire
européen. Mon souhait, ce n’est pas seulement de produire
un artiste, mais aussi de pouvoir le vendre et le faire tourner partout
dans le monde. Ce n’est pas par exemple sûr que je produise
une griotte. Ce n’est pas mon univers…
-Qu’est-ce
qui a motivé la création d’un festival de musiques
métisses, il y a trente ans ?
C.M : Notre objectif était de promouvoir la musique
africaine et sa diaspora en offrant un espace d’expression et
d’échanges aux artistes. L’idée était
donc de produire les musiques urbaines qui émergeaient en Afrique
après la période des indépendances. Notre ambition
était aussi de montrer au public occidental qu’il se passe
des choses extraordinaires et originales sur ce continent en matière
de création artistique. Le Mali a été le premier
pays sur lequel j’ai fait un focus. J’ai ainsi fait venir,
en 1981, le Super Biton de Ségou et le Kanaga de Mopti. Ces deux
orchestres ont été suivis, les années suivantes
de Kandia Kouyaté, Salif Kéita, Zani Diabaté afin
de montrer qu’il y avait au Mali une richesse culturelle diverse
et originale.
-En
dehors de l’originalité, de quels autres atouts le Mali
disposait-il a l’époque ?
C.M : J’ai aussi sollicité des artistes de la
Guinée-Conakry, du Sénégal… Mais, j’avoue
que la musique malienne m’a paru la plus intéressante et
la plus authentique. La chance du Mali a été que, dès
l’indépendance, il y a eu une conjugaison entre un régime
qui a soutenu l’émergence d’une musique moderne et
une tradition exceptionnellement riche. Cette symbiose, entre cette
concrète volonté politique et le talent des musiciens,
a donné à la musique malienne une position dominante en
Afrique de l’Ouest. Et je pense que c’est toujours le cas.
-Comment voyez-vous la musique malienne aujourd’hui ?
C.M : Si tout le monde cherche aujourd’hui à produire
les artistes maliens c’est parce que, dans ce pays, il y a une
couleur musicale unique au Monde. Elle a une universalité que
les Maliens ne soupçonnent pas. j’ai vu de grands guitaristes
de Jazz médusés en écoutant Djelimady jouer. Je
pense que l’ouverture d’un conservatoire est une très
bonne chose parce qu’elle permettra de perpétuer l’histoire
musicale de ce pays aux potentialités artistiques et culturelles
insoupçonnées et inexploitées.
-Qu’est-ce qu’un festival comme musiques métisses
apportent au rayonnement musical du Mali ?
C.M : C’est le seul festival qui, pendant des années,
faisait évoluer au moins deux Maliens à chaque édition.
Nous avons été les premiers à faire venir Salif
Kéïta en France en 1984. Et Rokia est mon dernier «Bébé»
à Angoulême. Ce n’est pas seulement un festival,
c’est aussi un vaste marché de promotion avec la présence
d’acheteurs, de promoteurs de spectacles et d’un grand nombre
de journalistes.
-Quelles impressions gardez-vous de ce séjour au Mali
?
C.M : J’adore le Mali où j’ai beaucoup d’amis
dans le milieu musical. La vie artistique est aujourd’hui plus
riche qu’il y a trois voire quatre à cinq ans. Bamako est
devenue un carrefour musical avec presque tous les genres. Malgré
la crise économique et la piraterie, il y a des raisons d’espérer
de l’avenir de la musique malienne parce que les artistes maliens
ne baissent pas les bras. Je viens aux Mali presque tous les ans. Et
il y a beaucoup de contact entre le Mali et Angoulême qui est
jumelée à la ville de Ségou. Nous avons même
de jeunes joueurs maliens dans le club de foot d’Angoulême.
Je repars avec de très bonnes impressions sur le Mali. Et je
vais bientôt revenir pour la sortie des albums de Djélimady
et de Kar Kar.
Du
coté de Malik7
Pour la rentrée scolaire et universitaire 2004 – 2005 Malik7
Sa a mis le paquet pour permettre aux uns et aux autres de passer de
bon moments de détente. Et plusieurs albums ont été
mis le marché. Il s'agit entre autres de Youssou Ndour "Live"
à Bercy avec comme invités Rokia Traoré, Jocelyne
Beroard et Jacob Devareux, de Adama Diabaté qui nous revient
dans un double album mélodieux et dépouillé, de
Shien Koumaré, une première sortie qui réserve
bien de surprises agréables, de Kia Maouloud, la nouvelle ambassadrice
de Tombouctou. Outre ces albums, votre maison de disque vous propose
aussi des produits 100% jeunes faciles à digérer. La nouvelle
génération de rappeurs maliens. Au premier rang, nous
notons les enfants de la rue (Guérebou Kounkan) décidés
enfin à suivre la voix de la sagesse, un album surprenant tant
par la qualité du son que par la richesse des messages : anw
fana yé mali denw yé…(nous sommes aussi les fils
de ce pays…) résume tout. JamaKan, sous la houlette de
Barou Diallo Yéelen Productions, Jamakan tout en affirmant leur
attachement à la Patrie lance un cri d'alarme sur les maux dont
souffre la jeunesse: sida, SOS Enfant. "An Bou Faga" est le
titre de l'album de Massa Koro(les rois de Korofina). Non seulement
ils entendent écraser tout sur leur passage mais ne gardent pas
sous silence les tares de la société malienne à
travers les titres comme pauvreté, wari (l'argent), sida et le
foot malien.
Au second rang, Amen-fis aussi bien que Ledieuduçoleil. Amen-fis
parle du destin même s'il s'élève contre l'exploitation
de l'homme par l'homme et Ledieuduçoleil loue le bon Dieu à
travers le titre générique de l'album "Sur papier
je remercie le Dieu".
Tous ces albums donnent matière à réflexion sur
le devenir de la jeunesse malienne et africaine. N'attendez plus, les
k7 sont désormais disponibles sur l'ensemble du territoire national.