Bassékou Kouyaté
 

Bassékou Kouyaté Ngonifola
Le prince des cordes

Descendant de la lignée des grands n'gonifôlaw (joueurs de n'goni) Bassékou Kouyaté a énormément contribué à la promotion de cet instrument mythique et légendaire dans le monde. De Garana (Baréouli) à Bruxelles en passant par Ségou, Bamako, Abidjan, Ouagadougou, l'Espagne, l'Italie, les Etats-Unis…, le virtuose de l'instrument mythique peut se vanter d'une glorieuse carrière.

L'héritage est la meilleure source de l'inspiration. Et Bassékou Kouyaté s'est abreuvée à de limpides sources. Né en 1996 à Garana (Tamani, préfecture de Baréouli), son père, Moustapha Kouyaté, était sans doute le plus grand joueur de n'goni de la contrée. Un talent et une virtuosité qu'il mettait naturellement au service de la symphonie vocale de sa cantatrice d'épouse, Yagaré Damba. Incomparable dans ses rythmes traditionnels comme le ndjaro, le duo a fait fureur dans les milieux peulhs et djogoramès.

"Le n'goni était le jouet des enfants dans notre famille. Nous rivalisions dans sa confection et dans sa maîtrise. A 12 ans déjà, je le maîtrisais à merveille", se rappelle l'héritier des Kouyaté. Entre l'école coranique et les manifestations folkloriques, l'enfant a eu le temps de mûrir et de faire le choix d'une carrière. En 1979, son père étant malade (décédé en 1984, paix à son âme), le jeune virtuose accompagne sa mère en tournée en Côte d'Ivoire, au Burkina, etc. C'est la première ouverture d'un destin qui allait le conduire à sillonner le monde.

La suite de la carrière de Bassékou s'est dessinée au fil des rencontres. Rencontre d'abord avec Cheick Oumar Diabaté, le mari de la cantatrice Naïny Diabaté, à Ségou en 1983. Le guitariste et le n'gonifôla deviennent amis dans la vie et complice sur scène. Une amitié et complicité qui les amène à s'installer Bamako où ils voient les opportunités d'une belle carrière artistique se multiplier. Ils sont derrière presque tous les meilleurs arrangements avec la quasi totalité des cantatrices : Koni Koumaré, Naïny Diabaté, Tata Bambo Kouyaté…

En 1987 Bassékou fait connaissance avec Toumani Diabaté, la grande révélation de la kora des années 80. Une rencontre qui va lui permettre de faire un bond décisif dans sa carrière. Deux ans plus tard, les compères entreprennent une tournée sous-régionale qui les conduit en Côte d'Ivoire, Burkina… Ils s'envolent ensuite vers la Belgique où ils sont invités par les organisateurs du Folk Festival Donaterre. Cette fois-ci, Habib Koité "L'Enfant du Khasso" est également du voyage. "C'était notre première sortie du continent africain. Et nous devons ce privilège à Toumani Diabaté", reconnaît l'époux de la grande cantatrice Amy Sacko.

En 1990, il est le seul représentant du Mali au Festival du Banjo de Tennessee (Etats-Unis). Il se rappelle que "j'étais le plus jeune des artistes invités. Mais, j'ai eus un succès phénoménal". Au point de se faire remarquer aussitôt par Taj Mahal, à la splendeur de sa célébrité. "Nous avons tout de suite sympathisé. Nous avons fait des émissions ensembles… Il m'a dédié une chanson et j'en ai fait de même", souligne celui qui allait devenir par la suite le Prince des cordes.

A son retour, le jeune instrumentiste est sollicité par le Sénégalais El Hadj Ndiaye comme Requin (musicien) de son "Studio 2000" de Dakar. Cela lui permettra de progresser énormément au contact des stars comme Baaba Maal, Thione Baladio Seck, etc. Peu de temps après, Toumani Diabaté le sollicite pour l'enregistrement de son album, "Bérébéré", à Abidjan avec des musiciens japonais et l'ingénieur de son de Stevie Wonder. Les amis vont rester longtemps ensembles puis qu'ils vont fonder le "Trio manding" avec Kèlètigui Diabaté (balafon). Un trio qui va parcourir le monde, du pôle nord au pôle sud, pour la promotion des instruments et des rythmes du pays et tenir les foules en haleine.
Le groupe associé à plusieurs expériences musicales comme la "Symphonie mandingue", "Symétrie Orchestra", et "Songhaï II". C'était au début des années 90. Des expériences qui ont permis au talent confirmé de partager son savoir et sa passion avec des célébrités mondiales comme Carlos Santana, Jackson Brown, Ali Farka Touré, Cheick Tidiane Seck, Bonnie Raitt… Excusez du peu !
Suffisamment armé, Toujours à la recherche d'autres sonorités, Bassékou crée son propre groupe en 2003. Il s'agit de "Samagéra" dans lequel on retrouve bien sûr sa talentueuse épouse, Amy Sacko. Le couple s'est adjoint Lassana Diabaté (balafon), Adama Diarra (djembé) et Fousseyni Kouyaté (n'goni basse). A peine rentrée d'une tournée mondiale qui l'a conduit en Espagne, en Belgique, en France, en Suisse, en Azerbaïdjan, au Japon…, il s'apprête de nouveau sillonner l'Europe.
Seule ombre au tableau, la discographie de Samagéra est étrangement vide. "Chaque chose a son temps. Nous avons un répertoire assez fourni, mais le groupe est très jeune. Nous voulons d'abord lui donner une assise solide dans le show biz international. Et puis, nous ne voulons pas travailler avec n'importe quel producteur. Mais, notre album ne va plus tarder. Inch Allah", promet le chef d'orchestre.

Festival de n'goni

C'est avec passion que l'artiste parle de son instrument. "Le n'goni se prête à toutes les expériences parce qu'on peut l'accorder avec tous les sons et tous les rythmes. Avec cet instrument on peut faire du blues, du jazz, de la musique classique…", enseigne-t-il.
Le projet qui tient Bassékou est l'organisation d'un Festival de n'goni à Bamako. "Le n'goni est l'un des premiers instruments de musique du Mali. C'est un instrument mythique chargé d'histoire. Une histoire qui est de plus en plus méconnue. Cela est inacceptable parce que ce n'est pas un instrument à négliger. Il est lié à l'histoire de ce pays et de son peuple. C'est un instrument privilégié des cours royales. On ne jouait pas le n'goni pour n'importe qui", explique avec une perceptible ambition. Il précise que "le festival vise à revaloriser le n'goni. Des maîtres de la parole seront invités pour raconter son histoire. Des participants viendront également de tous les pays africains, asiatiques et européens où le n'goni se joue".

Le virtuose veut rassembler au tour de son projet et de sa passion des n'gonifôlaw du Maroc, du Japon, de la Chine, Sénégal, Burkina Faso, Espagne… A l'entendre, le projet est assez bien avancé pour se réaliser l'année prochaine. Il a eu des engagements un peu partout dans le monde et des soutiens au plan national. A commencer par l'engagement personnel du ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko.

Carrière bien remplie

L'organisation de ce festival sera un tournant décisif dans la suite de la carrière artistique de Bassékou Kouyaté. Un parcours qui l'a jusque-là comblé de bonheur. "Il ne faut voir la réussite d'une carrière sous le seul aspect de la richesse financière. Je suis satisfait de ma carrière parce que j'ai eu le privilège de me frotter à beaucoup de talents. Mieux, j'ai joué avec des célébrités mondiales. Et j'ai tissé de solides relations amicales et professionnelles un peu partout dans le monde". Et, à 37 ans, cela ne fait que commencer pour l'enfant de Garana qui sait merveilleusement ménager sa monture pour galoper vers d'autres succès et expériences musicales.

MAJ 15/01/2004